LA LANDE EN BEAUCHENE - SALLERTAINE

Julien ROUSSEAU Historien

Le Couvent de la Lande
Sallertaine en mai 1968 est resté calme, loin de l'agitation.
Et pourtant en ce mois de mai on reparle de la Lande en Beauchêne. Suite à un article paru dans Ouest-France, les habitants s'interrogent sur leur passé, et veulent en savoir plus. La famille Fortin-Gendronneau comptant plusieurs enseignants connait parfaitement l'histoire locale et apporte une contribution intéressante. elle a gardé précieusement plusieurs objets et documents de l'époque des fouilles.
En 1968 le téléphone est toujours manuel, et les opératrices sont en grêve !

La découverte l’été dernier; (1968) d'une sépulture ancienne dans l'enceinte de l église - disparue - de la Lande-en-Beauchêne a ramené l'attention sur le vieux monastère fontevriste maraichin. Il s'élevait sur le territoire paroissial de Sallertaine, à une lieue environ du clocher, sur les bords du Taisan, un minuscule ruisseau qui limite de ce côté une pointe avancée de Saint-Urbain, dans une vaste lande au milieu de laquelle croissait, au temps jadis, un magnifique chêne qui lui avait valu son nom.

Fondé vers 1110, par Pierre II de La Garnache, du vivant même de Robert d'Arbrissel, le fondateur de Fontcvrault, et, dit-on, à la prière de l'évêque de Poitiers, Pierre II, le couvent fut richement doté dès ses origines. Les archives de Fontevrault racontent comment le sire de La Garnache, du consentement de sa femme Amiotte, dc ses fils Pierre, Gilbert et Geoffroy, et de ses filles Ade et Françoise, en présence de l'évêque de Poitiers, remit entre les mains de Robert d'Arbrisscl le lieu dit de la Lande et toute la terre comprise entre la route de Beauchêne et la rivière de Taisan jusqu'à Hucheloup, aux confins de Saint-Urbain et de l'étier qui séparait alors l'île de Monts du continent, y ajoutant du vin de son cellier, la dîme du four de Beauvoir, des vignes, le marais de la Gloriette en l'île de Noirmoutier, etc... Lorsque, quelques années plus tard, sa fille Ade prit le voile à la Lande même, le seigneur de La Garnache donna encore au couvent la moitié des seiches qui se péchaient sur ses rivages et Amiotte, devenue veuve, lui abandonna la dîme des revenus des ports de Beauvoir. L'église fut consacrée en 1119 par le pape Calixte II et devint bientôt le Saint-Denys des seigneurs de La Garnache et de leur famille, qui y eurent leur tombeau.

Le couvent subsista jusqu'à la Révolution. Le dernier bail à ferme de son temporel fut consenti le 20 octobre 1787, par devant Mignon, notaire à Bouin pour sept ans, à partir de la Toussaint 1789 (!), par « Messire Pierre-Nicolas Duclos, religieux, prêtre, ancien prieur de Saint-Jean de l’Habite et visiteur du dit ordre (de Fontevrault) en la province de Bretagne », et M Anne-François Philbert Hocbocq, controlleur agent de la ditte abbaye et procureur fiscal de Fontevrault, fondé de pouvoir de dame Madame Jullie Sophie Gillette de Pardaillan d'Antin, abbesse chef et généralle de l'abbaye royale de Fontevrault en Anjou », au sieur Pierre Charticr et damoiselle Marie-Françoise Ganachaud, son épouse, demeurant à la maison noble de Beaulieu, paroisse de Sarlartène... Le bail concernait tout le temporel de la maison, terre, fief et seigneurie de la Lande, à la condition de payer toutes les charges, de faire célébrer 4 messes chaque semaine en la dite église de la Lande, et moyennant la somme annuelle de 8.400 livres, payable en deux termes, à la Saint-Jean-Baptiste et à Noël.

Les biens consistaient, en plus du couvent et de son enclos et des droits seigneuriaux, en plus de 500 journaux de prés et terres, répartis sur les paroisses de Sallertaine, Châteauneuf, Le Perrier, Saint-Urbain, Saint-Gervais et Beauvoir, et formant en particulier les métairies du Couvent, de la Chapelle, du Pré-Nonnain, des Isles, Ardillon et la Maladrie.

La Révolution devait bientôt rendre caduc ce bail. Tous ces domaines furent vendus nationalement le 3 mai 1791 par le district de Challans, la métairie des Isles, en Châteauneuf, pour 17.500 livres ; la Maladrie, en Saint-Gervais et Beauvoir, avec 53 journaux de terre, pour 12.320 livres (au ci-devant fermier Pierre Chartier)... Le reste, sauf Ardillon, qui fut aussi vendu à part (70 journaux et 240 aires de marais), le couvent lui-même, maison, cour, jardin, dépendances, droits seigneuriaux et les autres métairies, fut adjugé au sieur Le Roux, de Nantes, pour 147.190 livres.

Les bâtiments claustraux furent en partie transformés, en partie démolis, ainsi que l'église. Un plan de celle-ci, dressé vers la fin du siècle dernier, alors que les fondations des murs existaient encore, montre qu'elle consistait en une vaste construction de 38 m. 50 de longueur sur 14 m. 60 de largeur, divisée en trois nefs avec un choeur semi-circulaire. Elle datait vraisemblablement des origines du couvent, c'est-à-dire du Xll° siècle ; seul le choeur était voûté de pierre et la nef avait dû être reprise au XVIII° siècle. Il ressort, en effet, d'un acte des minutes de Jean Brossaud, notaire à Saint-Gervais, que le 15 avril 1737, Jean Delaistre et Claude Henry, du Bourg d'Iré, en Anjou couvreurs à ardoise », traitaient avec Mathurin Guillard, de la Pajaudrie, en Sallertaine, et Pierre Dugast, de Beauvoir, charpentiers, pour « descendre toutes les charpentes qui sont sur la chapelle, à l'exception de celle du choeur,.. et monter et raccommoder en bonne charpente la nouvelle nef, ailes et choeur de la ditte église... ». Les travaux durent commencer immédiatement « après les festes de Pasques... ». De cette église, il ne subsiste plus qu'un vieux pan de mur appareillé, en calcaire de Sallertaine, soubassement de la façade occidentale (XII, s.). Mais son emplacement, toutefois, est encore bien délimité peut-être des fouilles dans son enceinte amèneraient-elles des découvertes intéressantes ?

Quelquefois, le hasard... Ainsi l'an passé, à la fin d'août, à l'occasion de travaux de nivellement, le tracteur heurta-t-il inopinément un obstacle qui se révéla être une pierre tombale. Large dalle de calcaire de Sallertaine de deux mètres de long, cette pierre s'orne d'une croix dont le dessin dénote la fin du XII` siecle ou le début du XIII°.

M. Yves Menuet, qui s'intéresse fort à sa maison natale, eut la curiosité de chercher au dessous et découvrit, à 60 cm. environ de profondeur, un squelette complet qui est celui d'un homme de forte constitution, encore dans la force de l'âge, d'après sa dentition quasi complète, et de la taille d'à peu près 1 m. 75. La présence de clous de fer symétriquement placés et quelques vagues poussières semblent indiquer que le défunt fut enterré dans un cercueil de bois, mais le squelette reposait sur le schiste même, les bras repliés, dont les ossements se trouvaient dans la cavité abdominale. Aucun objet dans la tombe, à part une plaque de métal ferreux complètement oxydée et inidentifiable. Les ossements se montrèrent d'une extrême friabilité, certains, comme ceux du crâne, se disloquant au simple toucher. Apres examen, on les a religieusement remis en place... Il est bien probable que rien désormais ne vienne les arracher à leur quiétude…

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