LA LANDE EN BEAUCHENE - SALLERTAINE

Laurent VRIGNAUD - Yves MENUET

Un lieux prestigieux

Sur une lande de notre paroisse, à la lisière de la paroisse de Chateauneuf, il était un beau chêne ... C'est du moins ce qu'on raconte à Sallertaine. Le chêne a disparu mais le nom est resté pour désigner un lieu dont le prestige s'étendait bien au-delà de notre paroisse : le prieuré de la Lande en Beauchêne. Julien Rousseau, l'historien local, en fait la description suivante :

" Sur le territoire de la commune [de Sallertaine], à trois kilomètres environ au nord du bourg, sur les bords du minuscule Taisan, s'élevait, avant la révolution, l'important monastère de La-Lande-en-Beauchêne fondé, vers l'an 1110, par Pierre II de la Garnache, qui le dota richement et le donna à l'abbaye de Fontevrault. L'église du couvent devint bientôt le saint-Denys des premiers seigneurs de la Garnache, qui y furent presque tous inhumés. Il ne reste rien aujourd'hui des batiments conventuels ...(1) " (1) : Julien ROUSSEAU, " A travers le Marais Breton Vendéen "

Tout est dit ! c'est l'oubli presque complet dans la mémoire locale, au point que le lieu a même changé de nom. Il s'appelle maintenant La Chapelle. Mais son occupant actuel, Yves Menuet, se souvient ... Passionné par l'histoire de sa demeure natale, il est capable, à défaut de rebâtir pierre à pierre, de remonter dans le temps et de restituer une image de ce qu'il fut avant la Révolution.

Que reste-t-il en 2004 ?

" Rien qu'un pan de mur de 2.50 mètres de long sur 1.50 mètre de haut et 1.20 mètre d'épaisseur. Il se trouve à l'arrière de chez moi, dit Yves, il fait partie d'un enclos qui dans ma jeunesse servait à entreposer des mouches à bois et des outils agricoles. Cet enclos était en fait ce qu'il restait de l'église du prieuré. Pendant des siècles elle fut probablement le bâtiment le plus vaste de Sallertaine, puisqu'elle était plus grande que l'église paroissiale, celle que l'on nomme de nos jours 'la vieille église ».

'La Chapelle', le lieu actuel, n'était en fait que l'une des trois métairies de 'La Lande', les deux autres étant 'Le Petit Logis' ou 'Métairie' et 'Le Logis'. L'ensemble formait ce qu'on pourrait désigner sous le nom de 'domaine du couvent', 80 ha réservés au prieuré, sur lesquels il n'y avait pas de maisons. Les hameaux étaient à la périphérie de ce domaine : le bourg de la Lande, l'Enclose, le Paradis, la Ravarderie ... etc.

A l'extrémité (est ?) de l'église (rebaptisée Chapelle au XVIIème siècle) se trouvait un puits dont parle Julien Rousseau : "Le seul vestige intéressant du couvent est un très ancien puits, situé au chevet de la chapelle, vraisemblablement contemporain des origines, avec sa margelle surmontée d'un édicule semi-circulaire appareillé en cul-de-four et bien conservé" (2). Dans ma jeunesse - c'était le temps où l'eau n'arrivait pas au robinet, il fallait aller la chercher- nous utilisions couramment à la maison l'expression : "aller derrière la chapelle chercher de l'eau". Ce puits n'existe plus aujourd'hui.

En 1968...

...Cet enclos n'était pas très différent de ce qu'il est actuellement mais il était envahi par les ronces et les orties. Il fut décidé de le nettoyer et même de le labourer. Nous savions que c'était l'église et nous avons pensé qu'il pouvait y avoir une crypte. Mais la charrue n'a découvert aucun escalier. Pas de crypte ! cependant la charrue a heurté une pierre tombale près du choeur. Je me souviens d'avoir appelé de Dr Julien Rousseau pour qu'il vienne l'examiner. Sous la pierre tombale, nous avons découvert un squelette. Il s'agissait d'un homme qui mesurait 1.78 mètre et que le Dr Rousseau présumait être Pierre V, seigneur de la Garnache. La Lande en Beauchêne était le lieu d'inhumation de la famille du fondateur, Pierre II, ainsi que de quelques autres personnes importantes, dont Hugues de Thouars, le premier mari de Marguerite de Belleville, enterré en 1228, qui fit de nombreux et importants dons aux moniales.

Julien ROUSSEAU examine les objets trouvés dans la sépulture (aoùt 1968)

(2) : Julien ROUSSEAU, " A travers le Marais Breton Vendéen "

Souvenirs d'enfance

" Vingt-cinq ans en arrière, nous sommes pendant la guerre, hiver 1943. A cette époque, j'étais un enfant et je me souviens que mon père faisait visiter les ruines du prieuré. Il avait lu l'historien local, Mourain de Sourdeval et il connaissait les écrits de l'abbé Grelier, ce qui lui permettait de servir de guide aux notables qui se devaient de s'intéresser au passé du pays. Je garde le souvenir d'un homme grand par la taille et aussi par le prestige puisqu'il était maire de Challans, le Dr Charbonnel. D'autres encore, comme Monsieur de Baudry d'Asson ... Il n'y avait pas foule mais Sallertaine était réputée pour deux sites à visiter : Le bourg avec sa vieille église et La Lande, autre lieu chargé d'histoire.

Pendant la dernière guerre les temps étaient difficiles et pour remblayer le chemin qui allait dans les champs, mon père est allé piocher dans ce qui restait des vestiges. J'ai assisté à la destruction des fondations d'une partie nord du mur de l'église, et d une partie ouest du couvent situé dans le vieux jardin côté du Taisan. Ces souvenirs sont précis et me permettent de situer avec une assez grande précision au moins un mur du couvent. .

Un bond de 60 ans en arrière

L'étape précédente nous reporte à la fin du XIXème siècle. Un bond de soixante ans pendant lesquels le pillage des pierres s'est fait sans bruit, tout naturellement, sans laisser de traces dans l'histoire des Sallertainois. Heureusement, nous avons une idée de l'état de La Lande en 1881 grâce à Louis-Delphin Fradin maire de Sallertaine et régisseur de La Lande, qui a fait faire un relevé du bâtiment dont les descendants ont bien voulu me prêter ce plan sur toile, que j'ai pu photocopier. A cette époque l'église n'avait pas de toit, le haut de l'édifice avait disparu mais l'emplacement était très apparent puisqu'il les murs atteignaient environ l metre de haut par endroits. Nous avons donc un plan de l'église avec ses dimensions 38,50 mètres de long (intérieur) sur 14,60 de large pour la nef, c'est considérable. Pierre II de la Garnache avait vu grand !. Il y a même une note indiquant l'emplacement supposé du clocher. Simple supposition qui laisse un peu dubitatif, mais le monument commence à se préciser. .

A cette occasion l'ensemble des sépultures dans l'église ont été visitées , Des petits objets sur les tombes ou à l'intérieur de celles-ci ont été trouvés. Les pierres tombales sont mises de côté et laissées à l'abandon. Voyant tous ces objets se détériorer et disparaître, Louis-Delphin Fradin prit l'initiative de soustraire de ce lieu plusieurs objets, dont la pierre tombale d'un enfant celle-ci fut transportée dans le jardin de son gendre Honoré Fortin (marié avec Félicie Fradin), instituteur et passionné d'histoire. Cette pierre y séjourna environ un siècle. La famille Fortin me montra cette pierre en 1968, elle est aujourd'hui dans la vielle église de Sallertaine avec une mention 'provenance inconnue' !.

La tradition prétend que certains de ces petits objets seraient à Fontenay le Comte. Cela est possible en effet, Louis Delphin Fradin est né à Maillezay, il est venu à Sallertaine comme instituteur où il s'est marié avec Céleste Trichereau (3) de Sallertaine . Une de ses soeurs Marie Agathe s'est mariée avec Benjamin Fillon de Fontenay le Comte. Monsieur Fillon est un érudit passionné d'histoire. Il est tout à fait vraisemblable que Honoré Fortin et Benjamin Fillon soient venus à La Lande et aient examiné les vestiges de ce couvent.. qu'ils aient pu recueillir certaines pièces. Peut-être ont-ils fait un compte-rendu, mais là je n'ai rien trouvé, Louis-Delphin Fradin tenait un agenda où il notait ses déplacements, mais pour l'instant pas de trace des fouilles de la Lande.

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